Le bon coin
Posté : mer. 29 janv. 2014, 15:19
Décembre 2011.
Un trottoir a décidé de me couper la route alors que j’appréhendais une plaque de verglas sur un parking. Résultat, une jante tôle défoncée et un pneu bon pour la poubelle. Je me dis que c’est l’occasion de remplacer l’ensemble par des jantes Alu et me dirige donc vers le site de référence dans le domaine. Une annonce retient mon attention, je contacte le vendeur et le rendez-vous est fixé le samedi suivant.
Quelques jours plus tard, j’entreprends les trente kilomètres séparant mon domicile de cette charmante bourgade du 91. A priori, ni la ville ni le département ne sont réputés comme des zones sensibles.
Mon Gps m’emmène finalement dans une cité. Sur les parkings, des Audi ou Bm récentes côtoient des épaves de Renault à bout de souffle. Des groupes de jeunes sportifs, frileux des oreilles, semblent attendre un bus qui ne passera jamais puisqu’il n’y a pas de station sur l’avenue. Un furieux traverse le parc sur un quad en slalomant entre une mamie et deux petits gamins apeurés.
Bien entendu j’ai compris le topo de la situation et je pourrais repartir. Mais en fait, je suis curieux et pour être honnête ça fait trop longtemps que je n’ai pas sniffé le terrain. Retranché depuis plusieurs années dans un quotidien préservé ça me rappel des moments parfois difficiles de mon adolescence.
Je suis garé un peu à l’écart du lieu de rendez-vous et celui que j’appellerais maintenant « mon fournisseurs » n’est évidemment pas encore là. En fait il attend que je l’appel, ensuite il va facilement m’identifier, me jauger et peut être sortir de son repère pour effectuer la transaction.
Je laisse un message sur son répondeur, quelques minutes passent puis je reçois un « Chui la »…les méfaits du T9 sans doute. Je planque l’argent dans la voiture. Je passe devant le groupe des patients usagers des transports public. Ils me scrutent. Ils sont balaizes. J’en fixe un seul et j’essaye d’enregistrer son visage… au cas où.
Mon vendeur de jantes alu pour monospace familial est apparu comme par enchantement. Un instant j’en arrive à oublier la raison de ma présence ici tellement j’ai l’impression de venir pour une transaction de coke ou d’armes. Il se dirige vers moi et me tend une main fuyante sans même me regarder. Il est tout petit, plutôt maigrelet. Je vois à peine son visage sous sa capuche. Il susurre un « suis moi c’est par là » et s’engouffre dans le hall d’immeuble tout proche.
Ce garçon semble bien pressé. Il doit avoir beaucoup de travail c’est sûr. A sa vue je me dis que j’ai fait un bon choix en achetant un Touran car c’est manifestement une voiture de jeune dynamique. La preuve, lui, il a une vingtaine d’années et roule dans le même monospace que moi. Il a sans doute préféré mettre des 18 pouces et se débarrasse des modèles 17 pouces peu en adéquation avec ses nouvelles aspirations automobilistiques.
J’entre dans le hall. Encore deux loustics en stationnement . C'est rassurant car ils pourront m’aider à porter les 4 roues si nous faisons affaire. Bien entendu, je sais très bien qu’on ne fera pas affaire. La cage d’escalier est sombre. Je tente de suivre le rythme imposé par mon charmant vendeur et progresse dans les étages. Je n’entends renifler et lâcher un « molard » . Plus on monte et moins c’est éclairé. A aucun moment je n’ai peur. Au contraire l’adrénaline monte en moi. J’ai envie de voir, c’est un peu mon « enquête exclusive » live. Pas de mise en scène, pas de propagande ni de bourrage de crâne anti-banlieue ou anti ce que l'on veut . Juste la réponse a une annonce postée sur le bon coin.
Normalement, le mec m’a catalogué dans la catégorie potentielle d’acheteur et pas de pigeon…enfin je crois. Les critères on peut être changés depuis le temps. Un instant je doute. « Tu as passé l’âge, le vieux, rentre dans ton pavillon et vas tailler tes thuyas !! ».
Au bout du 5 ème étage je m’essouffle. Je deviens plus terre à terre. Et si ça se passe mal avec ce petit con… je me prépare psychologiquement à une éventuelle altercation et honnêtement cette possibilité ne me fait ni chaud ni froid. Après, il peut y avoir d’autre mec en haut... et puis je devrais bien l’amocher pour qu’il ne donne pas l’alerte, puis courir dans la descente, passer calmement devant les deux d’en bas et les quatre devant l’arrêt de bus fictif et me barrer avec ma familiale diesel .Ce n’est pas gagné mon affaire. A bien y réfléchir, cette option « schlingue » un peu du gland quand même.
Une seconde possibilité pourrait être la transaction sans violence. En même temps si le mec est suivi par des flics je peux aussi me faire pincer pour recèle en bas de l’immeuble. Un instant je me dis que « psychote » un peu trop, on n’est pas à Harlem non plus.
Pour l’instant rien de tout ça. J’arrive sur un palier. Les murs sont tapissés de tags, une des portes est condamnée et la femme de ménage a dû partir en retraite à l’arrivée de l’euro tellement c’est dégueulasse. Le gars ouvre la porte d’un compteur électrique et sort péniblement une des 4 jantes Alu. Le modèle n’est pas celui de la photo de l’annonce. Derrière j’aperçois une jante de Porsche Cayenne et deux trois bibelots. Pour la première fois je croise son regard .On se fixe quelques secondes. Je lui fais une proposition de prix qu’il devrait refuser, soit 150 euros pour les 4 jantes dont deux avec pneus quasiment neufs. Il refuse. Je fais semblant de vouloir négocier en proposant 170. Il refuse encore.Je lâche la ( mauvaise ? ) affaire. Pas d’embrouille, pas de recel.
Je regagne les escaliers tandis qu’il referme sa cachette. En bas, je croise un groupe d’une bonne dizaine d’individus. Je retrouve ma voiture sans encombre et regagne ma paisible vie.
Finalement j’ai acheté 4 jantes neuves en magasins, avec facture.
Un trottoir a décidé de me couper la route alors que j’appréhendais une plaque de verglas sur un parking. Résultat, une jante tôle défoncée et un pneu bon pour la poubelle. Je me dis que c’est l’occasion de remplacer l’ensemble par des jantes Alu et me dirige donc vers le site de référence dans le domaine. Une annonce retient mon attention, je contacte le vendeur et le rendez-vous est fixé le samedi suivant.
Quelques jours plus tard, j’entreprends les trente kilomètres séparant mon domicile de cette charmante bourgade du 91. A priori, ni la ville ni le département ne sont réputés comme des zones sensibles.
Mon Gps m’emmène finalement dans une cité. Sur les parkings, des Audi ou Bm récentes côtoient des épaves de Renault à bout de souffle. Des groupes de jeunes sportifs, frileux des oreilles, semblent attendre un bus qui ne passera jamais puisqu’il n’y a pas de station sur l’avenue. Un furieux traverse le parc sur un quad en slalomant entre une mamie et deux petits gamins apeurés.
Bien entendu j’ai compris le topo de la situation et je pourrais repartir. Mais en fait, je suis curieux et pour être honnête ça fait trop longtemps que je n’ai pas sniffé le terrain. Retranché depuis plusieurs années dans un quotidien préservé ça me rappel des moments parfois difficiles de mon adolescence.
Je suis garé un peu à l’écart du lieu de rendez-vous et celui que j’appellerais maintenant « mon fournisseurs » n’est évidemment pas encore là. En fait il attend que je l’appel, ensuite il va facilement m’identifier, me jauger et peut être sortir de son repère pour effectuer la transaction.
Je laisse un message sur son répondeur, quelques minutes passent puis je reçois un « Chui la »…les méfaits du T9 sans doute. Je planque l’argent dans la voiture. Je passe devant le groupe des patients usagers des transports public. Ils me scrutent. Ils sont balaizes. J’en fixe un seul et j’essaye d’enregistrer son visage… au cas où.
Mon vendeur de jantes alu pour monospace familial est apparu comme par enchantement. Un instant j’en arrive à oublier la raison de ma présence ici tellement j’ai l’impression de venir pour une transaction de coke ou d’armes. Il se dirige vers moi et me tend une main fuyante sans même me regarder. Il est tout petit, plutôt maigrelet. Je vois à peine son visage sous sa capuche. Il susurre un « suis moi c’est par là » et s’engouffre dans le hall d’immeuble tout proche.
Ce garçon semble bien pressé. Il doit avoir beaucoup de travail c’est sûr. A sa vue je me dis que j’ai fait un bon choix en achetant un Touran car c’est manifestement une voiture de jeune dynamique. La preuve, lui, il a une vingtaine d’années et roule dans le même monospace que moi. Il a sans doute préféré mettre des 18 pouces et se débarrasse des modèles 17 pouces peu en adéquation avec ses nouvelles aspirations automobilistiques.
J’entre dans le hall. Encore deux loustics en stationnement . C'est rassurant car ils pourront m’aider à porter les 4 roues si nous faisons affaire. Bien entendu, je sais très bien qu’on ne fera pas affaire. La cage d’escalier est sombre. Je tente de suivre le rythme imposé par mon charmant vendeur et progresse dans les étages. Je n’entends renifler et lâcher un « molard » . Plus on monte et moins c’est éclairé. A aucun moment je n’ai peur. Au contraire l’adrénaline monte en moi. J’ai envie de voir, c’est un peu mon « enquête exclusive » live. Pas de mise en scène, pas de propagande ni de bourrage de crâne anti-banlieue ou anti ce que l'on veut . Juste la réponse a une annonce postée sur le bon coin.
Normalement, le mec m’a catalogué dans la catégorie potentielle d’acheteur et pas de pigeon…enfin je crois. Les critères on peut être changés depuis le temps. Un instant je doute. « Tu as passé l’âge, le vieux, rentre dans ton pavillon et vas tailler tes thuyas !! ».
Au bout du 5 ème étage je m’essouffle. Je deviens plus terre à terre. Et si ça se passe mal avec ce petit con… je me prépare psychologiquement à une éventuelle altercation et honnêtement cette possibilité ne me fait ni chaud ni froid. Après, il peut y avoir d’autre mec en haut... et puis je devrais bien l’amocher pour qu’il ne donne pas l’alerte, puis courir dans la descente, passer calmement devant les deux d’en bas et les quatre devant l’arrêt de bus fictif et me barrer avec ma familiale diesel .Ce n’est pas gagné mon affaire. A bien y réfléchir, cette option « schlingue » un peu du gland quand même.
Une seconde possibilité pourrait être la transaction sans violence. En même temps si le mec est suivi par des flics je peux aussi me faire pincer pour recèle en bas de l’immeuble. Un instant je me dis que « psychote » un peu trop, on n’est pas à Harlem non plus.
Pour l’instant rien de tout ça. J’arrive sur un palier. Les murs sont tapissés de tags, une des portes est condamnée et la femme de ménage a dû partir en retraite à l’arrivée de l’euro tellement c’est dégueulasse. Le gars ouvre la porte d’un compteur électrique et sort péniblement une des 4 jantes Alu. Le modèle n’est pas celui de la photo de l’annonce. Derrière j’aperçois une jante de Porsche Cayenne et deux trois bibelots. Pour la première fois je croise son regard .On se fixe quelques secondes. Je lui fais une proposition de prix qu’il devrait refuser, soit 150 euros pour les 4 jantes dont deux avec pneus quasiment neufs. Il refuse. Je fais semblant de vouloir négocier en proposant 170. Il refuse encore.Je lâche la ( mauvaise ? ) affaire. Pas d’embrouille, pas de recel.
Je regagne les escaliers tandis qu’il referme sa cachette. En bas, je croise un groupe d’une bonne dizaine d’individus. Je retrouve ma voiture sans encombre et regagne ma paisible vie.
Finalement j’ai acheté 4 jantes neuves en magasins, avec facture.